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Le voyage de la souris bleue  Format imprimable  Format imprimable (pour imprimer le conte)


Au temps où les grandes prairies vibraient sous les sabots de milliers de bisons, un petit peuple de souris vivait dans une clairière odorante. L’été à l’abri des grandes ombelles de carottes sauvages et l’hiver dans de chaudes galeries protégées du froid par une épaisse couche de neige.

Les souris se réunissaient le soir pour couiner doucement en choeur. La journée elles travaillaient efficacement à ramener graines, pignes et cosses boursouflées. Elles s’aimaient aussi, quand la saison le voulait et élevaient leurs petits avec des gestes ancestraux ponctués de quelques tendresses.

L’un d’entre eux, la souris bleue, était né un jour de printemps dans l’herbe tendre. Eduquée patiemment par ses aînées, elle savait, aujourd’hui, danser avec ses compagnes et mesurer son pas dans les sentiers.

Un matin, alors qu’elle fouinait dans la corolle d’un pissenlit, ses oreilles se dressèrent. Mêlée au sifflement de la brise une rumeur se logea au fond de sa poitrine et ne la quitta plus. Elle l’entendait imperceptiblement, comme parfois le battement de son cœur, le soir, avant de s’endormir.

" Entends-tu ce bruit bizarre ? "
demanda-t-elle à l’une de ses sœurs.
Mais cette dernière, trop occupée, ne lui répondit pas.

" Dis-moi, entends-tu comme moi ce bruit, tout là-bas vers la lisière ? "

" C’est le bruit de cette racine qui croque sous ma dent !" objecta, moqueuse, une seconde souris.

La troisième lui dit qu’elle était folle, qu’il n’y avait aucun bruit dans la clairière et qu’elle ferait mieux de s’occuper de ses affaires de souris.

Elle décida alors d’oublier cette mélodie. Son museau fouilla la terre chaude et elle remplit trois paniers tressés de graines dodues. Dans une hutte d’herbe elle retrouva quelques-unes de ses sœurs pour préparer le repas. Sous les pattes agiles les enveloppes des graines craquaient et les langues allaient bon train.

C’est en profitant d’un rayon de soleil échappé à la chaleur de midi que, discrètement, la musique rattrapa la souris bleue. A l’heure de la sieste, alors que toutes ses sœurs étaient calfeutrées dans leur sommeil, elle s’aventura, seule, jusqu’à la lisière de la forêt.

S’enroulant autour des vieux arbres, se faufilant entre les troncs un cortège de notes émergeait des profondeurs du bois.

" D’où venez-vous ? " - " Qui vous chante ainsi ? " s’exclama-t-elle en bondissant de l’une à l’autre. Puis elle s’arrêta.
Devant elle se tenait un lièvre aux yeux vifs et brillants comme deux étoiles:
" Pourquoi veux-tu le savoir, petite ? "

" Pour prouver à mes sœurs que je ne suis pas folle et comprendre ce qui me remplit le cœur ! "
balbutia-t-elle.

" Alors viens et suis-moi ! "

En faisant volte-face le lièvre s’élança vers l’obscurité de la forêt. La souris bleue hésita. Une note caressa son oreille et elle se retrouva trottant derrière son guide. Une humidité froide raidissait ses poils. Du sol spongieux montait la senteur de l’humus et des champignons.

Quand l’herbe remplaça la mousse sous les pattes roses de la souris, le lièvre, d’un bond, disparut. Les arbres s’espacèrent et Souris Bleue continua son chemin. En débouchant à l’orée de la forêt, elle reçut la réponse à sa question. Au fond d’un petit vallon verdoyant se déroulait un long ruban bleu duquel naissait ce chant qui l’avait mise en marche. Des notes cascadaient hautes et claires, d’autres, sourdes et profondes, roulaient jusqu’à elle.

Médusée, elle descendit sur la rive et s’installa sous un iris jaune.

" Bienvenue à toi petite sœur ! "
croassât une grenouille.

" Oh ! Qui es-tu ? "

" Je suis la gardienne de la rivière."

"Tu habites le plus bel endroit du monde ! "

C’est vrai !
Ma rivière est belle mais les montagnes sacrées, là où jaillit sa source, sont infiniment plus belles.

"Montre-les-moi ! "

La grenouille éclata de rire.
" Pour les apercevoir, tu devras sauter plus haut que le plus haut de tous ces arbres. "

"J’y parviendrai. Apprends-moi ! "

Le soleil se coucha, la lune se leva et traversa les quartiers du ciel. A l’aube, sous l’éclat de la dernière étoile, après toute une nuit d’intense préparation, la souris bleue comprit qu’elle était prête.

Un rayon d’or frappa les montagnes sacrées. Elle sauta encouragée par la grenouille. Une force sans nom la projeta dans l’air. Elle monta, monta, au-delà des brumes, au-delà des cimes bruissantes de la forêt. Les montagnes étaient là, majestueuses et immobiles.

Fugace vision. Un instant plus tard, Souris Bleue retombait dans le courant de la rivière. Elle suffoquait. Le poids de sa fourrure mouillée l’entraînait vers les profondeurs. Affolée, elle se débattait pour maintenir sa tête hors de l’eau. Elle eut la vie sauve grâce à un roseau auquel elle s’agrippa et qu’elle utilisa pour rejoindre la terre ferme.

" Pourquoi tu m’as fait ça ! ? J’ai failli mourir ! Tu savais que je retomberais dans la rivière, Grenouille ! "

" Regarde ! Tu es saine et sauve. Ne laisse pas la peur t’emporter et la colère te noyer ! Qu’as-tu vu là-haut ? "

La souris s’apaisa.
" J’ai vu les montagnes sacrées. Bleues ! Elles sont bleues, comme moi ! "

"Oui "
dit la grenouille
" Aujourd’hui je te nomme " Celle qui saute ".
Va et n’oublie pas ta vision.

" Je n’oublierai pas et je pars.
Je suis très impatiente de partager avec mes sœurs cette découverte que je te dois. "

Dans la clairière aux souris les petits animaux prenaient le repos vespéral. La souris bleue arriva, bondissante, une flamme claire dans le regard.

" Sœurs, mes sœurs écoutez-moi ! L’aventure que je viens de vivre est si étrange. La musique ! La musique... je sais : l’eau est sa mère et la grenouille sa gardienne. Ecoutez-moi, écoutez-moi ! "

Tout doucement les souris se rapprochèrent l’une de l’autre en se lançant des regards étonnés. Cette créature qui cabriolait par-dessus les herbes sèches en tenant des propos incohérents était-ce bien Souris Bleue ? Ses yeux brillaient d’une drôle de lueur et elle avait un comportement si bizarre... elle était sûrement dangereuse... oui, c’était cela... elle était folle... et si c’était contagieux ?

La pauvre petite souris eut beau parler, s’expliquer, seul le vent l’écoutait. Elle était maintenue à l’écart. Chacun la fuyait.

Peu à peu elle dût s’y résoudre, ses sœurs ne l’accueilleraient plus.

Une nuit, silencieusement elle quitta le monde des souris.


Si plate, si large, si sèche : La plaine

A présent, une étendue jaune séparait la souris bleue des montagnes qui fermaient l’horizon. Comment ferait-elle pour traverser, pour rejoindre, comme elle se l’était promis, cette fabuleuse chaîne.

Gorgée de courage, elle plongea dans l’immensité de la plaine. Elle courait droit devant elle, sans réfléchir, déterminée, les oreilles aplaties sur sa nuque, lorsqu’elle buta dans une masse brune et laineuse que les hautes herbes avaient dissimulée à sa vue ; un bison. Une bête au poil terne et mité, couchée sur le flanc, haletante et sans force. Son front était surmonté de robustes cornes noires et un voile nacré, sur ses yeux, cachait son regard. Le cœur de la souris s’émut de pitié :

" Pauvre bison, comme te voilà fait ! Tu as l’air si malade. De quoi aurais-tu besoin pour te remettre ? "

" Je suis aveugle, je ne peux m’orienter. Un long jeûne m’a affaibli et mon voyage s’arrête ici. Je vais bientôt mourir. A toi donc je dirai le remède. Seul l’œil d’une souris pourrait me rendre la Vie."

L’émotion la noua.

" Oh non ! Pas ça ! Donner un de mes yeux ? Devenir borgne ! "

Ventre à terre, la souris s’enfuit. Puis s’arrêta.

" Et pourquoi pas ? J’aurai toujours mon deuxième oeil ! "

Elle revint sur ses pas. Elle n’était qu’à quelques mètres de l’animal gémissant, quand son oeil droit, quittant son orbite, alla se ficher instantanément dans celle du bison. Le maître de la plaine se leva ayant retrouvé toute sa force et sa beauté.

" Souris, tu m’as sauvé la vie ! Où tes pas vont-ils se diriger maintenant ? "

" Vers les montagnes de l’horizon. "

" C’est bien loin ! Grimpe sur mon dos ! Je galoperai pour toi jusqu’à leur pied."

La petite souris se nicha dans le cou du bison, là où les poils sont si doux et la grosse bête s’élança.

A travers la plaine une nuée s’éleva sous le galop fracassant du bison. Grisée par la vitesse et le vent, Souris Bleue, folle de joie, s’ agrippait de toutes ses forces à la toison de son vigoureux guide.

" Plus vite, plus vite ! ..."

Et le bison filait. Même les étoiles, marraines du sommeil ne l’arrêtèrent pas. La souris perdit la notion du temps.

Une aube se levait lorsque le silence l’éveilla. Le bison, fourbu, était agenouillé.

" Nous y voici, mon amie."

Etourdie, la souris contempla le pan vertigineux de la plus haute des montagnes bleues qui se dressait devant eux.

" Ici s’arrête mon domaine. Je dois te quitter petite souris."

" Bison mon ami, je n’ai plus qu’un seul oeil et ces montagnes sont si hautes. Comment faire pour arriver jusqu’aux sommets qui cachent la source de la rivière ? "

" Cultive en toi le profond désir de cette réponse. Adieu ! "

Et bientôt le bison n’était plus que roulement de sabots et point brun à l’horizon.

" Celle qui saute " se remit courageusement en route. La roche était coupante et dure à ses pattes fragiles, la pente raide la laissait essoufflée. La beauté d’une fleur d’argent, le ciselé délicat d’une feuille, captés par son oeil unique, la remplissait d’espoir.

Elle ne s’arrêta qu’au crépuscule lorsqu’elle entra dans l’ombre d’une grande silhouette grise. Un loup était devant elle, immobile. Elle resta pétrifiée.

" J’ai peur ! "
finit-elle par dire dans un souffle.

La silhouette du loup s’assombrit mais il ne broncha pas.

Elle reprit :

" Je suis " Celle qui saute " et j’aimerais ardemment rejoindre la source de la rivière. Me laisseras-tu poursuivre ma quête ? "

" Ne craint rien de moi. Je suis ici pour mourir et je ne t’attendais plus. "

La souris fut interloquée.
" Le loup l’avait-il donc attendue ? "

" Oui bien sûr puisque seul l’œil d’une souris pourrait me redonner vigueur et santé."

Une sorte de grande douceur triste envahit le corps et le coeur de " Celle qui saute ". Assise sur ses pattes arrières, elle ne bougeait pas. Son oeil coula sans bruit dans sa main et la nuit devint son univers.

Elle était aveugle.

Elle trembla. Puis, comme au ralenti, elle lança son oeil en direction de ce loup qu’elle ne voyait plus.

" Mon territoire va jusqu’au Grand Lac tout en haut des montagnes "

La voix du loup, claire et chaleureuse, vibrait d’une énergie retrouvée.

" Viens Souris Bleue, je te conduirai jusque là, je serai tes yeux et ton pas "

Tout en parlant le loup s’était approché de sa bienfaitrice. Avec délicatesse il la saisit entre ses crocs et s’éloigna. D’escarpements en ravins, d’éboulis crissants en sentiers à peine marqués, il avançait. Le cri aigu d’un oiseau, un caillou qui roule, le grondement d’un orage lointain ricochaient de paroi en paroi. L’écho d’une mystérieuse vie nocturne accompagnait leur voyage.

Dans la chaleur moite de la gueule du loup, la souris aveugle s’était détendue. Elle sentait le balancement de la course. La froideur de l’air fripait son museau si elle le dardait hors de son abri. Ses yeux étaient grand ouverts mais la lune avait beau se refléter en mille éclats sur le cristal des rochers, aucune lueur ne perçait plus la nuit de " Celle qui saute ".

De sa foulée tranquille le loup les avait amenés au bord du Grand Lac. Il déposa la souris sur une pierre plate, réchauffée par toute une matinée de soleil.

Elle reconnut immédiatement le chant qu’elle avait entendu, un après-midi, aujourd’hui si lointain, dans sa clairière natale. Les notes joyeuses et rafraîchissantes jaillissaient de la source sacrée dévalant les abîmes de la montagne.

" Cette nuit j’étais ton pas Souris Bleue. Maintenant, écoute mes yeux "

Pour elle le loup raconta le lac et la magie de ses verts profonds, la fougue et la transparence de la source. Les galets tout de douceur arrondie qui se laissent façonner par les vagues au cours des millénaires. Il dit les pics griffant le ciel, qui formaient une sentinelle sur la rive Nord du lac. En bas, la plaine jaune s’étendant vers le Sud, traversée d’un lacet miroitant. " Celle qui saute " réalisa alors tout le chemin qu’elle avait parcouru. Puis le loup se tut.

Bien avant qu’il se remette à parler la souris avait deviné son message.

" Ici s’arrête mon chemin, ma sœur. Je dois te quitter" .

" Loup mon ami, je n’y vois plus et l’aigle plane, à la recherche de nourriture. Comment pourrais-je lui échapper ? "

" Consens et tu connaîtras la liberté de ta conscience. Adieu "

Plaquée sur la pierre chaude, la souris sans yeux entendit le battement des grandes ailes qui s’appuyaient sur l’air. L’aigle royal. Sa peur enfla, monta de son ventre, envahit sa gorge et explosa dans sa nuque. Puis, plus rien. Tout peut arriver et tout est bien.

Quand l’aigle la saisit entre ses serres, elle s’évanouit.

Un éclair fendit les ténèbres. La lumière mangea l’obscurité tout entière. Le bleu, le jaune et le rouge, projetés de l’infini, se percutèrent pour exploser en une pluie scintillante de couleurs. L’air tourbillonnait dans un courant qui passa d’un froid mortel à la chaleur réconfortante de la Vie.

" Je vois. Je vois de nouveau "

Oui " Celle qui saute ", tu vois ! Et maintenant saute ! Saute comme je te l’ai appris.

C’était la voix de la Grenouille.
La souris n’y comprenait plus rien mais avec une force venue du plus profond d’elle-même elle s’élança. Elle se retrouva planant dans les nuages au-dessus des montagnes bleues. De sa vue perçante la souris aperçut un bison qui galopait dans hautes herbes et un loup qui zigzaguait entre les roches de la montagne. Et plus elle montait, plus le monde au-dessous d’elle mariait le lac à la montagne, la montagne à la plaine, la plaine aux forêts lointaines. La rivière, comme un fils chantant, les unissait les uns aux autres.

De chauds courants ascendants la berçaient. Elle était devenue Aigle.







Les contes sont la propriété de leurs auteurs.
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Isabelle de contes.biz