L'on raconte qu'aux temps anciens il etait un pauvre vieux qui s'entetait a vivre et a attendre la mort tout seul dans sa masure. Il habitait en dehors du village. Et jamais il n'entrait ni ne sortait, car il etait paralyse. On lui avait traine son lit pres de la porte, et cette porte, il en tirait la targette a l'aide d'un fil. Or ce vieux avait une petite fille, a peine au sortir de d'enfance, qui lui apportait tous les jours son dejeuner et son diner. Aicha venait de l'autre bout du village, envoyee par ses parents qui ne pouvaitent eux-memes prendre soin du vieillard.
La fillette, portant une galette et un plat de couscous, chantonnait a peine arrivee :
Ouvre moi la porte, o mon pere Inoubba, o mon pere Inoubba ! Et le grand-pere repondait :
Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !
La fillette heurtait l'un contre l'autre ses bracelets et il tirait la targette. Aicha entrait, balayait la masure, serait le lit. Puis elle servait au vieillard son repas, lui versait a boire. Apres s'etre longuement attardee pres de ui, elle s'en retournaait, le laissant calme et sur le point de s'endormir. La petite fille racontait chaque jour a ses parents comment elle avait veille sur son grand-pere et ce qu'elle lui avait dit pour le distraire. L'aieul aimait beaucoup a la voir venir.
Mais un jour, l'Ogre apercut l'enfant. Il la suivit en cachette jusqua la masure et l'entendit chantonner :
Ouvre moi la porte, o mon pere Inoubba, o mon pere Inoubba ! Il entendit le vieillard repondre
Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !
L'Ogre se dit ; "J'ai compris. Demain je reviendrai, je repeterailes mots de la petite fille, il m'ouvrira et je le mangerai !"
Le lendemain, peu avant que n'arrive la fillette, L'Ogre se presenta devant la masure et dit de sa grosse voix"
Ouvre moi la porte, o mon pere Inoubba, o mon pere Inoubba !
Sauve-toi, maudit ! lui repondit le vieux. Crois-tu que je ne te reconnaisse pas ?
L'Ogre revint a plusierus reprises mais le vieillard, chaque fois, devinait qui il etait. L'Ogre s'en alla finalement trouver le sorcier.
Voici, lui dit-il, il y a un vieil impotent qui habite hors du village. Il ne veut pas m'ouvrir parece que ma grosse voix me trahit. Indique-moi le moyen d'avoir une voix aussi fine, aussi claire que celle de sa petite fille.
Le sorcier repondit :
Va, enduis-toi la gorge de miel et allonge-toi par terre au soleil, la bouche grande ouverte. (© publié par Tamurth.net)Des fourmis y entreront et racleront ta gorge. Mais ce n'est pas en un jour que ta voix s'eclaircira et s'affinera !
L'Ogre fit ce que lui recommandait le sorcier ; il achetait du miel, s'en remplit la gorge et alla s'etendre au soleil, la bouche ouverte. Une armee de fourmis entra dans sa gorge.
Au bout de deux jours, l'Ogre se rendit a la masure et chanta
Ouvre moi la porte, o mon pere Inoubba, o mon pere Inoubba !
Mais le vieillard le reconnut encore.
Eloigne-toi, maudit ! lui cria-t-il. Je sais qui tu es.
L'Ogre s'en retourna chez lui.
Il mangea encore et encore du miel. Il s'entendit de longues heures au soleil. Il laissa des legions de fourmis aller et venir dans sa gorge. Le quatrieme jour, sa voix fut aussi fine, aussi claire que celle de la fillette. L'Ogre se rendit alors chez le vieillard et chantonna devant sa masure :
Ouvre moi la porte, o mon pere Inoubba, o mon pere Inoubba !
Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille ! reponda l'aieul.
L'Ogre s'etait muni d'une chaine ; il la fit tinter. La porte s'ouvrit. L'Ogre entra et devora le pauvre vieux. Et puis il revetit ses habits, prit sa place et attendit la petite fille pour la devorer aussi.
Elle vint, mais elle remarqua, des qu'elle fut devant la masure, que du sang coulait sous la porte. Elle se dit : "Qu'est-il arrive a mon grand-pere ?".
Elle verrouilla la porte de l'exterieur et chantonna
Ouvre moi la porte, o mon pere Inoubba, o mon pere Inoubba !
L'Ogre repondit de sa voix fine et claire :
Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !
La fillette qui reconnut pas dans cette voix celle de son grand-pere, posa sur le chemin la galette et le plat de couscous qu'elle tenait, et courut au village alerter ses parents.
L'Ogre a mangermon grand-pere, leur annonca-t-ell en pleurant. J'ai ferme sur lui la porte. Et maintenant qu'allons-nous faire ?
Le pere fit crier la nouvelle sur la place publique. Alors, chaque famille offrit un fagot et des hommes accoururent de tous cotes pour porter ces fagots jusqu'a la masure et y mettre le feu. L'ogre essaya vainement de fuire. Il pesa de toute sa force sur la porte qui resista. C'est ainsi qu'il brula.
L'annee suivante, a l'endroit meme ou l'Ogre fut brule, un chene s'elanca. On l'appela le "Chene de l'Ogre". Depuis, on le montre aux passants.
Mon conte est comme un ruisseau, je l'ai conte a des Seigneurs.