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Gros Moche contre les méchants ! Bally, Nico, 33 ans Format imprimable  Format imprimable (pour imprimer le conte)

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Chaque soir, le rituel est le même. Alice nourrit ses deux amis.
D'abord T-Rex, son petit lapin colérique. Elle lui donne ses croquettes, et parfois un peu de foin ou un bout de carotte. Elle vérifie qu'il a assez d'eau, et referme sa cage. T-Rex est en liberté pendant la journée, il sème la terreur dans la chambre d'Alice. Mais la nuit, il dort dans sa grande cage rose.
Alice nourrit ensuite Prudence, sa petite chatte blanche aux yeux violets. Prudence ronronne en mâchant ses croquettes. Elle arrondit le dos pour que son amie la caresse.
Alice est une fille sage. Elle se brosse les dents, va aux toilettes, puis se lave les mains. Elle dit au revoir à T-Rex, se glisse dans son grand lit rose, et éteint la lumière.
Le noir envahit la pièce. Mais ça ne dure pas. Peu à peu, des jouets fluorescents se mettent à briller avec douceur. Ce sont surtout des petites lucioles potelées. Il y a aussi des bonhommes rigolos, des lapins aux sourires étincelants, des chauves-souris aux regards idiots... Toute une clique féérique veille sur le sommeil de l'enfant !
Alice ne s'endort pas tant qu'elle n'a pas senti les pattes délicates de Prudence qui vient la rejoindre sur le lit. Elle a son propre oreiller. Il est violet, comme ses yeux. Le reste du lit nous appartient, à nous, les peluches.
Il y a Bobo le poulpe, Grumpy l'ourson, Popple le popple, Kitty Wolf, Amanda Jackie, Deglingo Psycho, Diabolus Minus, Hyde la Canaille, Papy Mimco, et moi.
Je suis le plus gros et le plus moche de tous. C'est pour ça qu'on m'appelle Gros Moche. Je suis une grosse boule gris poussière, avec deux yeux globuleux qui regardent dans deux directions différentes. Je bave un peu, et mon nombril est aussi gros que mes pattes.
Quand je suis arrivé chez Alice, les autres peluches se sont moquées de moi.
Je suis gros, oui, mais j'ai la taille parfaite pour les câlins ! Alice peut me prendre dans ses bras et me serrer comme elle le ferait avec un oreiller géant ! Ma couleur me permet de me faire discret dans la nuit, alors que Bobo le poulpe est d'un vert tellement voyant que les ombres l'évitent de loin. Oui, c'est important d'être discret ! Car chaque nuit nous avons une mission : nous protégeons Alice, Prudence, et T-Rex contre les vilains cauchemars qui tentent de les atteindre.
Mes yeux me donnent l'air abruti, mais ils ont un pouvoir secret : le Strabisme ! C'est un pouvoir ninja qui permet de voir sur les côtés et un peu sur le dessus. Je vois l'ennemi arriver beaucoup plus facilement que les autres !
Ma bave englue les cauchemars rampants. Et mon nombril... C'est un pouvoir secret, je ne peux pas en parler.

Deglingo Psycho s'est réservé Alice. Il la protège seul, sauf quand il a besoin de renforts. Alors, il nous donne des ordres, comme des soldats.
Prudence et T-Rex n'ont pas de défenseurs attitrés. Chacun les défend comme il le peut quand il le veut. Mais pour être franc, c'est surtout Alice qui attire les cauchemars. La pauvre petite a une imagination cruelle qui, chaque nuit, la tourmente jusqu'à ce qu'elle se réveille en sueur.
Sauf si nous intervenons à temps, bien sûr !

On est capables d'arrêter toutes sortes de cauchemars, mauvais rêves, terreurs nocturnes, et autres.
Mais il y a des choses contre lesquelles on est impuissants.
C'est Bobo le poulpe qui a repéré les tâches d'Alice. Il s'y connait en maladies, vu qu'il a été offert à la petite quand elle a dû aller à l’hôpital. J'en sais pas beaucoup plus, mais à l'époque Bobo la protégeait des rêves de fièvre. Quand de vilains chirurgiens s'approchaient d'elle avec leurs seringues, Bobo appliquait ses tentacules sur le front d'Alice, et le rêve se changeait en visions de guérisons et de retour à la maison. Bobo faisait presque tout le travail tout seul, parce qu'à l’hôpital Alice n'avait pas eu le droit à toutes ses peluches.
Tout cela remonte à avant mon arrivée ! Depuis, Bobo est le spécialise des rêves de maladies. Le problème, c'est que contre les maladies elles-mêmes, il ne peut rien faire. Et nous ne sommes pas plus doués que lui.
Il a été le premier à remarquer les tâches, et il a averti tout le monde pour qu'on vienne regarder (sauf Popple le popple, qui est tellement vieux qu'il est devenu aveugle).
— Ça m'a bien l'air d'être la peste noire ! grogna Grumpy l'ourson.
On a tous fait « Beuhaaaaark » sans vraiment savoir ce que c'était que la peste noire.
— Je dirais plutôt que c'est une sorte de varicelle grise, dit Deglingo Psycho.
— Elle n'en a que sur le bras, remarqua Amanda Jackie.
— J'espère qu'elle va pas rêver de pustules ! s'écria Bobo le poulpe.
Et ils se sont tous retournés vers moi, parce que j'ai des pustules. Mais les miens sont mignons et pelucheux.
Hyde la Canaille se mit à rire.
— La peste ça n'existe plus ! dit-il.
— C'est faux ! répondit Kitty Wolf. Il y en a encore, mais des petites ! Des petites pestes, j'en ai entendu parler.
— Ils parlaient de toi ! dit Grumpy l'ourson.
Et ils se mirent à se moquer d'elle.
Papy Mimco reniflait les tâches pour essayer de comprendre d'où elles venaient. Elles formaient de petits ovales noirs, plus ou moins sombres.
— Moi je les trouve jolies ces petites tâches ! dit Popple le popple.
On s'est tous retournés vers lui, et on a fait « Ooh » et « Aah » parce que Popple n'était plus aveugle ! Ses vieux yeux tout blanchis étaient redevenus nets et étincelants !
— Un miracle ! s'écria Amanda Jackie. Tu as retrouvé la vue, c'est un miracle ! Alléyoupi !
— Il a peut-être neuf paires d'yeux, comme j'ai neuf vies, déclara Kitty Wolf. Une fois qu'une paire est vraiment carrément totalement usée, il lui en pousse une nouvelle.
On s'est alors tous penchés sur les yeux de Popple, comme on s'étaient penchés sur les bras d'Alice. C'était quand même une sacrée nuit : d'un coup la peste noire et un miracle !
— C'est pas un miracle, bande de patates ! rigola Popple. C'est Alice qui m'a redessiné les yeux au feutre. Elle m'avait déjà recousu le nez l'année dernière.
C'est vrai que Popple était le plus vieux d'entre nous, et Alice s'en occupait bien. Quand son nez était tombé, elle lui avait mis une petite coccinelle à la place, et depuis tout ce qu'il reniflait sentait la fraise.
J'ai fait soudainement un bond ! J'avais compris !
— Elle ne t'aurait pas serré très fort avant de s'endormir ? lui ai-je demandé.
— Oh si ! il a répondu. Elle était contente de mes beaux nouveaux yeux, alors on a fait un gros câlin !
Et voilà ! Énigme résolue ! Les tâches étaient dues aux yeux pas encore secs de Popple. Le feutre avait déteint sur les bras de la petite.

Alice ne fit aucun cauchemar de maladie, cette nuit là.
Moi j'en ai fait un petit, le lendemain (on dort pendant la journée). Un tout petit. De toute façon j'ai pas peur d'avoir la peste, j'ai déjà des jolis pustules.


nicobally@gmail.com






Nico Bally

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Isabelle de contes.biz