Les contes pour enfant du monde

Jean François



Jean-François n’avait jamais vu la lumière du jour. Certains trouveront cela bien triste. Ils diront : « Pauvre Jean-François, comme il doit être malheureux. Ne pas savoir ce que c’est qu’un arc-en-ciel, un clair de lune, ou un coucher de soleil sur l’océan, voilà vraiment un sort affreux ». Mais Jean-François y était habitué ; il n’y pensait même plus, et trouvait presque cela normal. Et puis de toute façon il avait tant de travail, ses journées étaient si bien occupées par tout ce qu’il avait à faire, que même s’il l’avait pu, il n’aurait pas souvent trouvé l’occasion de contempler les merveilles de la natures.
Il n’avait jamais non plus entendu le chant des oiseaux. Il ne savait pas ce qu’était le bruit des vagues, et ignorait jusqu’à l’existence des cornes de brume et des sifflets des chefs de gare. Il ne savait rien du beuglement des vaches, et ne regrettait pas de n’en rien savoir. Cela ne l’intéressait pas, voilà tout.
En règle générale, il ne parlait pas beaucoup. On ne lui serrait jamais la main, et personne ne lui adressait jamais la parole. Il n’était pas du genre à faire le premier pas. On aurait pu le croire taciturne, voire mélancolique, et certes, il était un peu coupé du monde, mais c’était sa vie, et aucun d’entre nous ne pourrait avoir l’audace d’affirmer que cela ne lui plaisait pas.
Ce n’était pas un être très impressionnant, mais bizarrement, il faisait peur à certaines personnes. On le trouvait laid, et surtout passablement répugnant. Par bonheur il n’en savait rien. il n’était pourtant pas monstrueux, il était même très bien proportionné, et ne faisait rien pour se rendre antipathique. Quoiqu’il fut souvent nu, il était toujours très propre, ne faisait de mal à personne, et était en tous lieux d’une grande discrétion.
Force est de reconnaître qu’il était un peu mollasson, mais pas apathique, et s’il ne brillait ni par sa force physique, ni par son développement intellectuel, il n’était pour autant pas dénué de certaines qualités. Enfin, c’était probable…
Si l’on voulait le rencontrer, il fallait se pencher très bas, et bien ouvrir les yeux, car il n’était pas bien grand, et ne jouissait pas d’un très grand charisme. Mais en fin de compte c’était un peu normal, et ce n’était pas ce qu’on lui demandait ; après tout, Jean-François n’était qu’un ver de terre.



Conte imprimé sur http://www.contes.biz