Les contes pour enfant du monde

Le rabougris



Ne croyez pas les enfants que « le monde végétal » comme on nous appelle, n’est pas vivant et pensant …Nous n’avons ni pieds ni jambes pour nous déplacer mais pour le reste …
Je suis un chêne et depuis un siècle j’ai une histoire bien remplie .C’est le grand-père de Jean, le paysan actuel, qui m’a planté ici, près de ses champs .J’ai pour fonction de donner de l’ombre lors des travaux de la terre .
Je suis fier de le dire, le soleil ne traverse pas mon feuillage en été ! J’en ai vu des pique-niques, des siestes et même des rencontres amoureuses sous mes branches ! Mais ça ! Ma discrétion m’oblige à ne rien révéler …
Que de changements de génération en génération !
J’ai aimé le temps des charrues tirées par des chevaux. Les « hue ! Dia ! »De l’aïeul emplissaient l’air, effrayaient les oiseaux ! Que de sueur a coulé sur ces mottes !
Les guerres ont fait résonner mes branches bien lugubrement !
Mais la vie revenait gaie et laborieuse ! Les moissons exigeaient des bras jeunes et vigoureux. Alors des chansons fusaient donnant du cœur à l’ouvrage .J’accueillais des arrêts « vin saucisson », des rires et des rencontres …
Puis vint le temps des tracteurs, des machines outils, le progrès quoi ! Les hangars ont remplacé l’écurie …
Mais ma fonction est restée la même et je la remplis avec assurance et plénitude !
Sans cette « année sécheresse »je serais toujours là-bas .Mais voilà ! J’ai manqué d’eau !
Je suis devenu malade, vieux ! Rabougris !
« -RABOUGRIS » c’est ce qu’a dit de moi Jean !
Ma sève ne remonte plus dans mes branches, je n’ai plus de feuilles, je suis devenu inutile « rabougris », quelle honte !
-« les branches serviront dans la cheminée cet hiver et nous vendrons le tronc »
Tout ce que j’ai eu à subir : la tronçonneuse, la scierie, le séchage dans les courants d’air mon cœur à vif…je n’en parlerai pas, j’ai ma fierté !
Mais aujourd’hui, quelle récompense ! Je suis poutre principale d’une toiture de maison !
Une famille s’y est installée depuis hier et le père m’a fait admirer par ses deux fils :
-« Voyez les enfants, nous sommes bien protégés par ce chêne solide, nous pouvons habiter ici sans crainte. »
Ah ! Si mes branches pouvaient me voir ! Vieux rabougris mais sécurisant !
-« Oui les enfants, soyez sans peur ! Je vous abriterai très, très longtemps encore !
C’est mon souhait le plus cher ! »



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