Les contes pour enfant du monde

Une étoile filante






L’épicéa soupirait poussif en grattant de ses épines le dessous d’une de ses branches. La tête pointée vers le ciel, il soupirait pensif en rêvant à une rencontre providentielle.
Quand à ses pieds tout à coup, il entendit une voix, minuscule et aiguë, c’est pourquoi il se pencha.

- Tiens donc, mais qui êtes-vous charmante inconnue?

La pauvrette releva sa tête ingénue.

- Edelweiss je me nomme, je suis l’étoile d’argent...
- Que faites-vous donc à mes pieds, perdue sous ma robe tendue?
- C’est le vent qui m’a poussée après qu’une main m’eut arrachée à mes natales rocailles...

L’épicéa courba le tronc tout autant qu’il put pour admirer de plus prés l’étrange inconnue.
Elle semblait si fluette et fragile qu’il évita prudemment tout geste malhabile.

- Votre présence me surprend dans ce lieu déserté, je remercie le vent de vous y avoir amené.
- Je ne suis pas ici de mon plein gré et sans vous vexer, j’aurais préféré passer ma vie sur les sommets; votre habitat sombre est monotone, comment pouvez-vous diable le supporter?
L’épicéa se redressa, croisa ses branches en son milieu et prit un air offusqué.
- Mon habitat est à la hauteur de ma splendeur, je ne vous permets pas d’en douter. Mes frères et moi faisons bloc contre les caprices des saisons, unis et forts comme le roc de nous mettre au diapason.
- Un bloc aussi compact est triste à pleurer et ne vous laisse aucune liberté. De ma montagne là-haut, j’avais la tête enivrée par tant de paysages, de couleurs, de beautés.
- De quoi me parlez-vous? Je ne puis imaginer. Je ne vous comprends pas, vous devez halluciner...

La petite fleur agonisante souleva la tête avec élégance et entreprit de préciser ses connaissances.
- Il y a tout là-haut des vallons et vallées tout en bas des pentes que l’on peut admirer. Il y a des cours d’eau, des bruissements, des odeurs que j’eusse aimées garder, qui ont fait mon bonheur. Et de tendres pousses aux couleurs bigarrées, pastel pétales dentelles, toutes en subtilité.

L’épicéa écoutait intrigué, la description de ces beautés ignorées. Il s’en serait bien délecté si la jeune impertinente ne cessait d’en rajouter.
- Vous voilà bien avancée, gonflée de tant de souvenirs, c’est quand même à mes pieds que vous venez mourir. Je n’ai peut-être pas comme vous admiré ces vallées mais à ce jour, je suis fier de ma longévité.

L’étoile d’argent rassembla ses dernières forces, se redressa vaillamment et toisa le colosse.
- Et à quoi peut vous servir cette pérennité si c’est pour rester là, en ce lieu, figé. Le monde est plein de merveilles auxquelles j’ai goûté et si je dois maintenant y renoncer, ma courte vie aura été remplie de richesses que vous ne pouvez soupçonner. Je vous laisse disposer de ces prochaines années, vous souhaite bon courage si vous vous ennuyez.

A ces mots une bourrasque violente balaya l’effrontée et laissa l’épicéa tout décontenancé...





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