Les contes pour enfant du monde

La révolte des gommes



Dans le lointain pays de Glomulo, les gommes menaient des vies bien difficiles. On les oubliait, au fond des trousse, perdues au milieu des crayons, des stylos et des feutres. Elles vivaient tristement, et rien ne les avait préparées à cela.
Au tout début de leur existence, elles arboraient fièrement des couleurs neuves et flamboyantes, sous leur emballage de plastique. Elles étaient rouges, vertes, jaunes. Certaines portaient même de jolis dessins sur le ventre, comme des étoiles ou des papillons. Les enfants de Glomulo se pressaient devant les rayonnages des magasins. Ils hésitaient devant chaque gomme, elles étaient toutes si jolies. Mais une fois achetées, le cauchemar des gommes commençait.
Bien vite, elles se retrouvaient abîmées de toutes parts. Elles étaient jetées au fond des cartables, salies par les traits des crayons. Elles étaient usées, diminuées, et leurs belles couleurs disparaissaient peu à peu. Alors, on les abandonnait dans la rue, on les lançait par la fenêtre, on les délaissait dans les recoins des tiroirs.
Un jour, une petite gomme bleue eu une idée.
- Le monde des hommes est cruel, se dit-elle. Je ne me laisserai pas faire. Je vais organiser une rébellion. Ce sera la révolte des gommes !
Elle mis son dessein à exécution. Elle prit alors la décision de tout gommer, tout le temps, pour se venger des hommes et de leur méchanceté.
Elle commença par gommer la trousse qui l’enfermait. Elle l’effaça en entier. Elle se retrouva alors dans la poche d’un pantalon. Elle gomma autant qu’elle put et y fit un grand trou. Elle s’échappa de toutes les prisons et alla voir les autres gommes, tristes et abandonnées.
- Gommes, mes amies ! s’exclama-t-elle comme un vaillant général qui parlerait à ses troupes. Il est temps pour nous toutes de nous révolter ! Faîtes comme moi, gommer autant que vous pourrez, partout où vous irez !
Toutes les gommes suivirent son exemple et bientôt, le monde des hommes changea de figure. Les gommes gommaient les murs et les plafonds des maisons. Elles effaçaient les robes et les manteaux. Elles attaquaient même les voitures qui disparaissaient toutes une à une.
Les hommes, désemparés, durent se réunir à leur tour. C’est un monsieur à l’air sévère, qui prit la parole devant les habitants de Glomulo.
- Hommes, nous devons réagir, s’écria-t-il. Les gommes menacent notre monde. Elles détruisent peu à peu nos usines, elles s’attaquent à nos maisons. Capturons-les, et envoyons-les dans l’espace, loin de la Terre.
Les hommes construisirent alors une immense fusée et y mirent toutes les gommes de Glomulo. La fusée s’envola, emmenant les gommes loin des villes, des voitures et des maisons. Mais un étrange phénomène se produisit.
Alors que les gommes continuaient leur course effrénée dans l’espace, sans que l’on sache pourquoi, les nuits sur Terre devenaient de plus en plus tristes, de plus en plus noires. Les gommes poursuivaient leur vengeance envers les hommes qui s’étaient débarrassés d’elles. Elles s’étaient mises en tête d’effacer toutes les étoiles du ciel !
Mais les hommes, trouvant que leurs nouvelles nuits sans étoiles manquaient de poésie, ramenèrent la fusée sur Terre. Les gommes de retour, les nuits avaient retrouvé leur éclat d’étoile argentée.
Un pacte de paix fut passé entre les hommes et les gommes. Depuis ce jour, tous s’entendent à merveille.
Les gommes acceptent d’être salie par les traits des crayons, mais à une condition : de n’être plus jamais oubliées au fond des trousses, et de toujours être libre sur le bord des bureaux.



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