Les contes pour enfant du monde

Thomas le rimeur



Un jour qu'il était étendu sur la rive du Huntlie, une personne (rien moins que la reine des Elfes) vint à passer sur un cheval dont la crinière était tressée de mille clochettes magiques en argent. Il fut pris au piège d'un baiser puis emmené sur la croupe du cheval par des déserts et des fleuves de sang jusqu'au jardin verdoyant du pays des Elfes. Une pomme lui donna le don de prophétie ainsi qu'une langue incapable de mensonge.

Thomas vécut sept ans au pays des Elfes avant de revenir sur terre écrire des poèmes et faire de véridiques prophéties. Certains disent qu'à la fin il y retourna et qu'il y vit encore, conseiller à la cour des Elfes. Mais d'autres ne reviennent jamais du Pays Enchanté, par exemple les beaux jeunes gens séduits et destinés à devenir les amants des princesses des Elfes, les jeunes garçons employés comme esclaves ou ceux qu'on réquisitionna pour combattre dans les batailles des esprits.

Mais voici l'histoire de Thomas le Rimeur :
Thomas le Vrai sur la rive moussue
Vit venir une gaie demoiselle,
Une dame vive et sans peur
A cheval sur la verte colline.

La robe était de soie comme l'herbe des champs,
Son mantelet de beau velours et sa jument
Portait aux brins de sa crinière tressée
Cinquante et neuf cloches d'argent.

Thomas le Vrai ôta son couvre-chef
Et s'inclina jusques à ses genoux :
"Salut à toi, grande Reine des Cieux !
Telle dame ici-bas jamais n'ai contemplé !"

Ah non, dit-elle, oh non, Thomas le Vrai,
Ce nom n'est pas celui qui me revient ;
Je suis la reine du beau Pays des Elfes
Et je suis venue pour te faire visite.

Et lors tu peux venir avecque moi Thomas,
Thomas le Vrai avec que moi tu peux venir,
Pendant sept ans tu pourras me servir,
Bon an mal an comme destin voudra."

Elle fit tourner son beau cheval tout blanc,
En croupe elle fit monter Thomas,
Et dès alors que sa bride vola,
Oh, son coursier s'élança dans le vent.

Quarante jours, quarante nuits,
Avec jusqu'aux genoux du sang,
Sans voir ni lune ni soleil
Vers la rumeur de l'océan,

Oh ils allaient, toujours plus loin,
Jusqu'à un jardin verdoyant :
"Descends, libre dame, descends,
Laisse-moi prendre pour toi de ces fruits."

Oh non, oh non, Thomas le Vrai,
Ce fruit ta main ne peut toucher
Car toutes les plaies des enfers
Sont dans les fruits de ce pays.

Mais j'ai un pain sur mes genoux,
Et un flacon de vin clairet,
Avant que nous allions plus loin,
Dînons un peu, reposons-nous."

Quand il eut bu et puis mangé :
"Pose la tête à mon genou,
Dit la dame, avant de monter là-haut,
Que je te montre trois magies.

Ne vois-tu pas l'étroit chemin
Barré d'épines et de genêts ?
C'est le chemin de la vertu
Que si peu cherchent à trouver.

Et vois-tu cette route si large,
Et douce et toute parsemée de fleurs ?
C'est la grande route du mal
Mais d'aucuns disent qu'elle mène au paradis.

Et vois-tu ce joli sentier
Monter la colline herbeuse ?
C'est là le chemin du beau Pays des Elfes
Où toi et moi ce soir pouvons aller.

Mais Thomas tu dois tenir ta langue,
Quoi que tu voies, quoi que tu entendes,
Car de ta bouche un seul mot sortirais
Que plus jamais ton pays ne verrais."

Alors il mit un manteau de beau drap,
Des bottes vertes du plus fin velours,
Et tant que sept ans n'ont sonné,
Thomas le Vrai n'a pas revu la Terre.





Conte imprimé sur http://www.contes.biz