Les contes pour enfant du monde

La princesse de coeur et l'acacia
Corine Demany, 47 ans


Il était une fois un acacia, haut, superbe, touffu, majestueux. Il vivait dans le jardin du royaume de cœur.

Le roi et la reine de cœur étaient aimés de leur peuple, car ils étaient justes et bons.
L’or n’avait pas plus de valeur qu’autre chose en ce royaume. Il servait uniquement pour l’ornement des tissus ou pour la fabrication de bijoux. Il n’y avait ni riche ni pauvre, on échangeait tout.

Le dimanche, sur la grande place, s’organisait une foire où chacun exposait ses œuvres. C’était aussi une belle occasion de se parler ou d’écouter jouer de la harpe ou du violon.
Ainsi, les jardiniers proposaient de superbes fruits et légumes aux couleurs éclatantes, gorgés de soleil. Les boulangers chantaient les mérites de leurs pains, étalés sous toutes leurs formes, dorés et croustillants – une légende racontait que, chaque matin, des larmes de joie étaient versées dans la pâte afin de la saler, mais cela, on ne pouvait l’affirmer ! Les fermiers faisaient tâter les cuisses de leurs volailles bien grasses et à la crête rouge sang en riant, cassaient un œuf dans un plat pour en extraire un jaune éclatant, versaient du lait bien crémeux dans des jarres…
On vivait dans le royaume de cœur en grande harmonie, le superflu n’existait pas.

Le roi et la reine de cœur avaient une fille de quinze ans, très belle et sensible. Elle brodait magnifiquement et suscitait l’amitié de tous par sa gentillesse. Elle échangeait ses créations et les commandes affluaient de loin car qu’elle était réputée pour son talent d’artiste, un talent très contemporain.
La princesse, qui aimait faire partager son enthousiasme, avait dit un jour à qui voulait l’entendre qu’elle avait pour muse le magnifique acacia de son jardin. Chaque fois qu’elle en avait l’occasion, elle posait ses mains sur le tronc de l’arbre afin d’y puiser le meilleur d’elle-même.

À cinq grands fleuves de distance du royaume, vivait seule la reine de pique. On la disait fort méchante et elle était détestée de son peuple qui croulait sous les taxes. Elle jalousait le royaume de cœur, et en particulier la princesse.
Un jour qu’elle était très en colère, elle décida, avec l’aide d’une sorcière, de jeter un mauvais sort à l’acacia afin qu’il disparaisse. Elle espérait ainsi tourmenter la princesse et la voir échouer dans tout ce qu’elle entreprendrait pour assouvir sa passion.
Cette dernière, qui brodait dans sa chambre et se tenait comme à l’accoutumée tout près de la fenêtre ouverte, vit l’acacia disparaître sous ses yeux en un instant. Bien sûr, elle était très étonnée et triste pour lui, mais son esprit se détourna vite vers un très bel arbre en fleurs mauves, faisant un gros bouquet et dont les feuilles bien vertes semblaient danser sous le vent. Un ruisseau serpentait également dans le parc en clapotant et une odeur suave enchantait les narines immédiatement.
La princesse se sentit tout de suite plus inspirée que jamais et se pressa de retourner à son ouvrage. Elle devint encore plus célèbre et son cœur déborda de bonheur.

Peu de temps après cette histoire, elle épousa en grandes noces un beau prince venu des mers lointaines. Ils vécurent heureux au royaume de cœur et eurent beaucoup d’enfants.

Pendant ce temps, la reine de pique continuait de se lamenter sur son sort, seule dans son triste château…
Tout vient à point à celui qui sait voir…
corine.demany@sfr.fr



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